« Financer ou non 9 enneigeurs supplémentaires pour la station de Gresse. Un choix difficile, car de nombreux enjeux économiques, politiques et émotionnels sont en jeu.
La question de l’eau est importante. Les arrêtés sécheresse s’enchaînent ces dernières années, et sont de plus en plus stricts. Ils comportent des restrictions interdisant de détourner les cours d’eau pour remplir les retenues artificielles. Et si la Gresse semble plutôt épargnée l’hiver, et permet jusqu’à présent le bon remplissage de la retenue en temps et en heure, la préfecture raisonne en terme de bassin de gestion. S’il y a pénurie d’eau sur le bassin du Vercors, il n’y aura pas de dérogation spécifique pour Gresse-en-Vercors. L’eau va devenir de plus en plus une ressource protégée. Les autorités administratives risquent de surveiller encore plus étroitement les usages qui en sont faits. Il ne faut pas oublier que Gresse-en-Vercors a déjà eu des démêlés douloureux avec l’ONEMA et la préfecture, sur ses obligations en matière d’assainissement, et sur le remplissage de la retenue.
Ensuite, il y a l’état des finances de la commune. Depuis des années, le montant des dotations diminue et les marges de manœuvre se réduisent. La situation financière reste précaire. La commune est atypique : de 400 habitants à l’année, elle doit construire des équipements dimensionnés pour 3000 habitants tout en étant financée à hauteur de 1200 habitants par l’Etat Or, la station nécessite chaque année un versement conséquent de la part du budget général. La bascule en EPIC n’y change rien : la station n’est pas viable sans versement de la commune, donc sans subventionnement par de l’argent public. C’est un choix qui peut tout à fait être assumé, notamment au titre de l’activité économique directe et indirecte induite. Mais ce projet implique d’accroitre les dépenses de fonctionnement : tout nouvel équipement nécessite de l’électricité, de la maintenance, l’obligation d’amortir ces dépenses d’investissement et donc de générer mécaniquement des dépenses de fonctionnement sur les années futures. Comme pour tous les projets d’investissement, il ne faut pas regarder seulement le coût d’achat, il faut mesurer les conséquences financières qui en découleront chaque année.
Le cinéma est déficitaire, la piscine est déficitaire, la maison du Grand Veymont coûte chère, l’Odyssée verte tend à l’équilibre mais uniquement parce qu’il n’y a pas encore de gros travaux à prévoir. La commune risque de ne pas pouvoir conserver tous ses équipements qui fonctionnent malheureusement à perte. Miser davantage sur la station de ski alpin, c’est autant d’argent qui ne sera pas investi dans d’autres projets et d’autres équipements. Dire que les budgets sont hermétiques entre eux est faux : seul le budget de l’eau n’appelle pas chaque année de subvention du budget général. Les budgets des remontées mécaniques et celui des équipements touristiques ont systématiquement besoin de l’aide du budget général pour atteindre l’équilibre.
Enfin, il s’agit de centaines de milliers d’euros d’argent public, qui seront dépensés dans ce projet de canons à neige. Alors que la pandémie et ses conséquences économiques terribles commencent à se faire sentir, est-ce la priorité d’utiliser l’argent des contribuables pour construire de nouveaux enneigeurs ? Se centrer uniquement sur Gresse, ses habitants, son patrimoine, son histoire… c’est oublier un peu vite que l’argent en question est versé par d’autres contribuables ! L’intérêt général qui doit motiver les financements publics se trouve-t-il vraiment dans ce projet ?
Les fondateurs de la station étaient jadis motivés par l’audace : essayer quelque chose de nouveau, construire une station là où il n’y avait rien, des avant-gardistes en somme, des utopistes peut-être même (car ce n’est pas un gros mot). Aujourd’hui, la motivation est plus liée à la crainte de perdre ce qui a été construit : la peur de perdre une partie de l’activité économique, la peur (infondée à mon avis) de voir la valeur foncière des habitations diminuer… Le courage et l’intérêt général résident peut-être aujourd’hui dans l’anticipation des changements à venir.
Ce qui peut faire la force de Gresse-en-Vercors, c’est sa capacité à attirer de nouveaux venus qui viendront s’installer à demeure. Pour cela, il faut commerces, école, garderie, agence postale, équipements touristiques ou culturels variés comme la piscine et le cinéma. La station seule ne pérennisera pas l’avenir du village. C’est un élément important, mais ce n’est pas le seul. »